samedi 17 novembre 2012

De retour de Gaza, Noam Chomsky et huit universitaires accusent


De retour de Gaza, Noam Chomsky et huit universitaires accusent

SAMEDI 17 NOVEMBRE 2012
Après s’être rendu à Gaza pour un Congrès, Noam Chomsky (au centre, en jeans) a signé un appel critiquant le traitement médiatique des événements récents.
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PROCHE-ORIENT • Les grands médias occidentaux ne reflètent pas la réalité vécue par les Gazaouis ni le réel déroulé des violences, dénonce une délégation de retour de la bande de Gaza.
Ils sont Canadiens, Américains ou Français. Ils reviennent de la bande de Gaza où ils ont séjourné du 18 octobre à 24 octobre dernier afin de participer au premier Colloque international de linguistique appliquée et de littérature organisé par l’Université islamique de Gaza. Il faut dire que l’un d’entre eux s’appelle Noam Chomsky, le linguiste renommé et non moins célèbre militant anti-impérialiste.
De retour chez eux, les neuf universitaires sont restés en contact avec des Gazaouis et sont consternés par la manière dont les médias occidentaux présentent l’escalade de la violence qui est en train de frapper cette petite bande de terre où se concentrent 1,5?million de Palestiniens depuis le déclenchement de l’opération «Pilier de défense» par l’armée israélienne. Ils viennent de signer un appel au titre évocateur: «Nous accusons! La sourde oreille des grands médias sur la situation et la gravité des atrocités commises par Israël à Gaza.»
La critique porte principalement sur le New York Times, la BBC et son équivalent canadien, la CBC. Mais les remarques que font les universitaires peuvent facilement s’étendre aux grands journaux francophones. «Nous sommes frappés par la manière dont les événements sont relatés dans les grands médias. Ceux-ci évoquent légitimement la terreur ressentie par les Israéliens qui doivent se réfugier dans des abris lors des tirs de roquettes palestiniennes. Ce que nous dénonçons, c’est le déséquilibre dans le traitement médiatique car, jusqu’à présent, le même travail n’est pas fait pour présenter les effets des bombardements sur la population palestinienne», expliquent Philippe Prévost et sa femme Verena Stresing, qui vivent du côté de Nantes. «Les articles qui rapportent les meurtres commis se concentrent en grande majorité sur l’élimination des membres de la sécurité palestinienne», laissant souvent de côté les victimes parmi les civils, écrivent les neuf universitaires, qui ajoutent: «La même tendance se retrouve dans les grands journaux européens.»
Dénuement extrême
Les intellectuels remarquent que la situation n’est pas la même des deux côtés de la frontière, du fait notamment du blocus imposé par Israël. «A la lecture des grands médias, nous apprenons très peu de choses sur les conditions dans lesquelles sont soignés les blessés dans les hôpitaux de Gaza», continue Philippe Prévost, resté en contact avec un médecin canadien qui opère dans le plus grand établissement de la bande de Gaza. Les docteurs manquent de tout. Si bien que des victimes de blessures graves sont renvoyés chez eux, faute de médicaments tandis que des amputations sont effectuées sans morphine...
«Lors de notre séjour là-bas, l’extrême dénuement de la population nous a marqués, en particulier les femmes dont les maris sont détenus en Israël au mépris du droit international. Nous avons visité l’hôpital et le camp de réfugiés de Khan Younes, la deuxième ville de ce territoire occupé: les maisons ne sont souvent pas achevées ou pas reconstruites après les bombardements, faute de matériaux de construction disponibles. Les infrastructures de traitement des eaux ont été détruites, avec pour conséquence une forte pollution de la nappe phréatique, comme nous l’a confirmé un ingénieur de l’Office des Nations unies pour les réfugiés de Palestine et du Proche-Orient (UNWRA). Les conditions de vie à Gaza sont rendues terribles», se rappellent Philippe et Verena, qui ont été surpris, dans le même temps, par l’accueil très chaleureux des Palestiniens.
Chronologie biaisée
Les neufs universitaires pointent un autre biais: «Les grands médias font commencer la chronologies des événements à un moment qui permet de présenter les frappes israéliennes comme des ripostes aux tirs palestiniens. Le fait que quatre soldats israéliens aient été blessés à la frontière le 10 novembre faisait pourtant partie d’une série d’événements incluant la mort de civils de Gaza, et n’en constituait en aucun cas l’élément déclencheur, contrairement à la présentation qui en est faite», note Philippe.
La vraie chronologie n’est que rarement évoquée: «La flambée de violence actuelle a débuté le 5 novembre dernier quand un Palestinien âgé de 20?ans et souffrant apparemment de troubles mentaux, Ahmad al-Nabaheen, a été tué (...) près de la frontière. Les médecins ont dû patienter pendant six heures avant d’être autorisés à le secourir et pensent que son décès est très certainement dû à cette attente. Puis, le 8 novembre, un garçon âgé de 13?ans qui jouait au football devant sa maison a été tué par l’armée israélienne qui avait fait une incursion dans le territoire de la Bande de Gaza avec des chars d’assaut et des hélicoptères», écrivent les neuf universitaires.
Philippe et Verana rappellent que des obus israéliens tombaient déjà sur Gaza, à la fin de leur séjour. «Nous avons cherché à nous mettre à l’abri, il n’y a nul part où aller dans ce cas. Nous avons pris conscience à cette occasion de la vulnérabilité de la population qui vit dans une véritable prison à ciel ouvert», assure Philippe.
Désormais, la population palestinienne est menacé par une intervention terrestre de l’armée israélienne, comme lors de l’hiver 2008. A en croire ces universitaires, les grands médias n’auront rien fait pour empêcher cela. Avec Noam Chomsky, ils appellent « les journalistes du monde entier travaillant pour des antennes de ces grands médias à refuser d’être instrumentalisés à travers cette politique systématique de manipulation. Nous appelons également les citoyens à s’informer en consultant les médias indépendants et à laisser leur conscience s’exprimer», à travers des manifestations, auprès d’associations et en saisissant leurs élus. Les Gazaouis ne sont pas tous seuls.

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