mardi 6 novembre 2012

Réactions à la visite de Netanyahou à Paris



Israël-​​Palestine : l’Europe se renie

Le Monde (éditorial), vendredi 2 novembre 2012

Dans le conflit israélo-​​ palestinien, l’Europe, une fois n’est pas coutume, a été précurseur. Avec sa déclaration de Venise de 1980, elle a, la première, posé le principe d’une solution fondée sur deux Etats : la création d’un Etat palestinien - en Cisjordanie, à Gaza et dans la partie orientale de Jérusalem - au côté de l’Etat d’Israël. Trente-​​deux ans plus tard, l’Union euro péenne (UE) trahit cette politique. Elle est en train de renier ses engagements, de les réduire à une pure hypocrisie rhéto rique. C’est une situation aussi pathé tique que désolante, dont personne ne parle à Bruxelles - et contre laquelle la France aurait dû s’insurger à l’occasion de la visite, cette semaine à Paris, du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou.

Courageuse et visionnaire, la décla ration de Venise se pro nonçait pour l’autodétermination des Palestiniens et pour l’ouverture de négociations avec leur mouvement national (l’OLP). Un double tabou était levé, bien avant que les Etats-​​Unis ne s’alignent sur cette position, en 1993, avec les accords dits d’Oslo.

En bonne logique, la politique euro péenne suppose une condamnation sans appel des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens. Et telle est bien la ligne offi cielle affichée à Bruxelles : ces implantations sont "illé gales au regard du droit international ; elles constituent un obstacle à l’instauration de la paix ; elles risquent de rendre impossible une solution fondée sur la coexistence de deux Etats".

Vaines paroles. L’Europe participe, en fait, au développement des implanta tions israéliennes en Cisjordanie. Elle facilite le contrôle de quelque 40 % de ce terriitoire par Israël. Elle est com plice d’un ren for cement continu d’une présence israélierne qui empêche la reprise d’une négociation sérieuse entre les deux parties.

Telles sont les conclusions d’un rapport établi par vingt-​​deux organisations intergouvernementales européennes. Elles appartiennent à des pays qui sont tous des amis d’Israël et entendent, à raison, le rester. Acca blant pour l’Union, ce document est préfacé par l’ancien com mis saire européen aux rela tions exté rieures, Hans van den Broek - un homme qu’on ne soup çonnera pas d’engagements extrémistes.

Le rapport établit que l’UE importe mas si vement des mar chan dises - pro duits agri coles et indus triels - pro venant des implan ta tions israé liennes. L’Europe sou tient ainsi la "via bilité" des implan ta tions, dit le rapport, et facilite leur développement.

Ces impor ta tions sont estam pillées "Made in Israël". Il suf firait que l’Europe exige un étiquetage plus précis. Elle ne le fait pas. Elle a tort. Elle ne rend service ni aux Israé liens ni aux Pales ti niens. Car elle contribue ainsi à une évolution qui est en train de tor piller l’idée même d’un Etat pales tinien sur un ter ri toire viable et continu.

L’Europe appuie ce phénomène dan gereux qu’est la banalisation totale du mou vement de colo ni sation en cours. Celui-​​ci ne suscite plus que des condam na tions for melles de l’Europe et des Etats-​​Unis. Comme si on avait enterré l’espoir d’un Etat palestinien.

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