Réactions partagées après la mort du controversé Ariel Sharon
Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le
Les pays occidentaux, la Russie et l'ONU ont rendu hommage à la mémoire d'Ariel Sharon après sa mort samedi 11 janvier, réitérant leur appel à la création d'un Etat pour les Palestiniens, dont les dirigeants ont de leur côté qualifié de« criminel » l'ex-premier ministre israélien.
La mémoire de l'ex-premier ministre israélien Ariel Sharon, qui s'est éteint à 85 ans, vivra « à jamais dans le cœur de la nation », a affirmé le chef du gouvernement israélien, Benyamin Nétanyahou. « L'Etat d'Israël s'incline devant la disparition de l'ancien premier ministre Ariel Sharon », a-t-il déclaré, en exprimant son « profond chagrin ». Le général Sharon, longtemps l'homme fort de la droite nationaliste israélienne, est mort samedi après-midi au terme d'un coma de huit ans.
SHARON, UN « CRIMINEL »
A l'opposé, les dirigeants palestiniens ont déploré qu'il n'ait pas été traduit devant la justice internationale. « Sharon était un criminel, responsable de l'assassinat d'Arafat, et nous espérions qu'il comparaisse devant la Cour pénale internationale (CPI) en tant que criminel de guerre », a déclaré à l'AFP un haut responsable du Fatah, le mouvement du dirigeant historique palestinien, Jibril Rajoub.
Jusqu'à la mort, en novembre 2004, de Yasser Arafat, qu'il avait fait assiéger par les chars israéliens depuis décembre 2001, Sharon avait multiplié les menaces à son encontre, nourrissant les soupçons d'un empoisonnement, qu'Israël a toujours nié.
Un porte-parole du Hamas, au pouvoir à Gaza, Sami Abou Zouhri, a qualifié la mort de Sharon d'« exemple pour tous les tyrans ». « Notre peuple vit un moment historique avec la disparition de ce criminel aux mains couvertes de sang des Palestiniens et de leurs dirigeants », a déclaré le porte-parole du mouvement islamiste, dont le fondateur, cheikh Ahmad Yassine, a été assassiné en 2004 par l'armée israélienne sur ordre de Sharon.
L'ONG Human Rights Watch a également jugé « regrettable que Sharon aille vers sa tombe sans répondre devant la justice de son rôle [dans le massacre par une milice chrétienne libanaise en 1982 de centaines de civils palestiniens] à Sabra et Chatila (...) », les camps de réfugiés du sud de Beyrouth, où une immense joie a éclaté samedi à l'annonce de son décès.
« HÉRITAGE DE PRAGMATISME »
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a de son côté salué le « couragepolitique » dont Ariel Sharon avait fait preuve en ordonnant le retrait israélien de Gaza en 2005. Evoquant les négociations de paix israélo-palestiniennes auxquelles participe « son successeur », Benyamin Nétanyahou, M. Ban « appelle Israël à s'inspirer de l'héritage de pragmatisme [de Sharon] pour s'efforcer decréer enfin un Etat palestinien indépendant et viable, aux côtés d'un Israël en sécurité ». Et « renouvelle l'engagement des Nations unies à travailler avec le gouvernement et le peuple d'Israël en faveur de la paix et la sécurité ».
En Europe, le président François Hollande a déclaré qu'Ariel Sharon avait été« un acteur majeur dans l'histoire de son pays ». « Après une longue carrière militaire et politique, il a fait le choix de se tourner vers le dialogue avec les Palestiniens », a affirmé le président français.
« Ariel Sharon est une des personnalités les plus significatives dans l'histoire d'Israël et, en tant que premier ministre, il a pris des décisions courageuses et controversées en vue de la paix », a réagi le chef du gouvernement britannique David Cameron. La chancelière allemande Angela Merkel a relevé que ce« patriote israélien » avait, « par sa décision courageuse de faire retirer les colons israéliens de la bande de Gaza, (...) fait un pas historique (...) vers une solution de deux Etats ».
Pour le président du Conseil italien Enrico Letta, il a été « un leader généreux qui a marqué l'histoire d'Israël », tandis que pour Silvio Berlusconi, plusieurs fois à ce poste par le passé, il a été « courageux en guerre, clairvoyant en politique, infatigable dans la recherche d'une paix juste ». Sharon a été « un brillant commandant militaire, mais aussi un homme d'Etat sage qui voyait la nécessité de la paix », a commenté, en Suède, Carl Bildt, le ministre des affaires étrangères. Il a « entrepris des démarches courageuses en vue de la paix dans la région », a dit son homologue néerlandais Frans Timmermans.
Ariel Sharon « a joué un rôle clé dans l'histoire récente d'Israël », a noté le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. « Il a laissé sa marque sur l'ensemble du Moyen-Orient », a renchéri le chef du Parlement européen, Martin Schulz. Quant au président russe Vladimir Poutine, il a parlé d'un« grand homme politique et militaire » et de « sa haute autorité sur la scène internationale ».
« UN HONNEUR DE TRAVAILLER AVEC LUI »
Aux Etats-Unis, le président Barack Obama a présenté ses condoléances aux Israéliens et à la famille de l'ancien premier ministre israélien, qu'il décrit comme« un leader qui a consacré sa vie à l'Etat d'Israël ». « Nous réaffirmons notre engagement inébranlable en faveur de la sécurité d'Israël et notre attachement à l'amitié durable entre nos deux pays et nos deux peuples », a déclaré le président.« Nous restons attachés à une paix durable et à la sécurité pour le peuple d'Israël, y compris par notre engagement en faveur de l'objectif de deux Etats vivant côte à côte dans la paix et la sécurité », a-t-il poursuivi.
La brièveté et la sobriété de son communiqué ont tranché avec celui du secrétaire d'Etat John Kerry, d'après lequel « le voyage d'Ariel Sharon a été celui d'Israël »: « Le rêve d'Israël a été sa raison de vivre et il a joué le tout pour le tout pour fairevivre ce rêve ».
L'ancien président Bill Clinton et son épouse Hillary, ancienne secrétaire d'Etat, ont rendu hommage à l'homme politique dans un communiqué commun.« Ariel Sharon a donné sa vie à Israël, pour lui donner vie, le soutenir et lepréserver, et à la fin de sa longue carrière il a créé un nouveau parti politique dédié à une paix juste et une sécurité durable », a déclaré Bill Clinton au nom de son couple. « Ce fut un honneur de travailler avec lui, de débattre avec lui, et de le voirtoujours en train de chercher la bonne voie pour son pays adoré », poursuit l'ancien président.
Bill Clinton fut président des Etats-Unis de 1993 à 2001, une période durant laquelle Ariel Sharon occupa plusieurs postes ministériels, et fit notamment de sa visite à l'esplanade des Mosquées en septembre 2000, en tant que chef du parti Likoud, un événement à l'origine de la deuxième Intifada (2000-2005).
La CROIX
Mort de Ariel Sharon, le héros des colons
AGNÈS ROTIVEL-la-croix.com, dimanche 12 janvier 2014
L’ancien Premier ministre israélien, Ariel Sharon est décédé après huit ans de coma le 11 janvier. Personnage politique très controversé, il a été le héraut de la colonisation et le fossoyeur de la paix avec les Palestiniens.
Âgé de 85 ans, Ariel Sharon est décédé. L’ancien premier ministre israélien avait été terrassé par une attaque cérébrale, le 4 janvier 2006 et était plongé depuis dans un coma profond.
Un personnage controversé
Ancien général, pilier de la droite israélienne, Ariel Sharon est un personnage controversé. Il s’est taillé la réputation d’un homme qui « ne s’arrête pas au feu rouge » et ce n’est pas seulement son physique imposant qui lui a valu le surnom de « bulldozer ». Né en Palestine en 1928 de parents originaires de Biélorussie, il a grandi dans un petit village, dans un climat austère, marqué par le conflit avec les voisins. Lors de sa carrière dans l’armée, où il s’est engagé à 17 ans et a été deux fois blessé, il a montré un goût prononcé pour les méthodes expéditives.
Tantôt loué pour ses prouesses militaires, tantôt honni pour sa brutalité envers les Palestiniens, à la tête de l’unité 101 des commandos, puis des unités parachutistes, il lance des opérations punitives, dont la plus sanglante se soldera en 1953 par la mort d’une soixantaine de civils dans le village palestinien de Kibya.
Durant la guerre d’octobre 1973, il prouve ses capacités militaires en franchissant le canal de Suez et en encerclant l’armée égyptienne par une manœuvre audacieuse.
Ses ennuis commencent en 1982. En tant que ministre de la défense, il prépare et conduit l’invasion du Liban. Une commission d’enquête officielle conclura à sa responsabilité pour n’avoir ni prévu ni empêché les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, perpétrés par une milice chrétienne, alliée d’Israël. Désavoué par le premier ministre Menahem Begin, il est contraint à la démission. Une Commission indépendante menée par le prix Nobel de la paix Sean Mc Bride considère Israël comme « directement responsable du massacre du fait de sa position d’occupant ».
Ariel Sharon revient sur le devant de la scène en tant que ministre de la construction et du logement en 1992. Une fonction qui lui va comme un gant. À ce poste, il devient le héraut de la colonisation israélienne des Territoires palestiniens, lance de vastes projets pour de nouvelles constructions avec comme slogan : « allez coloniser nos collines ». Il s’assure le soutien indéfectible de la droite nationaliste et des organisations de colons.
Pourtant, il se met à dos une partie d’entre eux en décidant, en août 2005, le retrait militaire israélien unilatérale de la bande de Gaza et le démantèlement des colonies installées dans cette région.
Le héraut de la colonisation
Pour lui, quitter Gaza lui permet de mieux occuper la Cisjordanie. C’est ce qu’explique Dov Weisglass, son conseiller, dans une interview au quotidien Haaretz. « Ariel Sharon a décidé de rendre Gaza, qu’il n’a jamais considéré comme d’« intérêt national », afin de sauver les colonies de Cisjordanie, et, plus important encore, d’empêcher tout accord négocié avec les Palestiniens.
Ce que nous avons fait vise à geler le processus de négociation. Et, en gelant le processus de négociation, vous empêchez la création d’un État palestinien et vous empêchez la discussion sur la question des réfugiés. (…) Le désengagement comporte la bonne dose de formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus de négociation avec les Palestiniens ». Ariel Sharon a toujours proclamé son opposition aux Accords d’Oslo, signés en 1993entre Israéliens et Palestiniens avec un objectif de résolution du conflit.
En septembre 2000, alors que les sondages donnent le premier ministre Ehoud Barak en perte de vitesse pour les élections législatives, Ariel Sharon, chef de l’opposition, orchestre une visite sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, lieu cristallisant les passions religieuses juives et musulmanes.
Le fossoyeur des accords d’Oslo
Portant un gilet pare-balles sous sa veste, accompagné de cinq députés du Likoud et de son fils Gilad, il ne restera que quarante-cinq minutes, mais ce sera suffisant pour déclencher la colère des Palestiniens et un nouveau cycle de violences qui débouchera sur la seconde Intifada. Six mois plus tard, il devient premier ministre et sera réélu en 2003. Entre-temps, le 29 mars 2002, il lance l’« opération Rempart » et réoccupe la plupart des villes de Cisjordanie.
Son objectif est aussi de neutraliser Yasser Arafat. Il s’y applique en lançant ses chars à Ramallah contre la Moukataa dans laquelle vit le président de l’Autorité palestinienne. Celui-ci est encerclé, le siège dure jusqu’à ce que le vieux leader, malade, soit autorisé à partir pour la France où, hospitalisé, il mourra le 11 novembre 2004.
Au lendemain de l’attaque cérébral d’Ariel Sharon en janvier 2006, l’écrivain israélien David Grossman écrivait dans le quotidien britannique, The Guardian, ces mots : « Curieusement cet homme courageux, brave et corrompu (notamment quant à au financement de ses campagnes électorales, NDLR)… qui a ignoré les limites quelles qu’elles soient, internationales ou légales…, est devenu une « sorte de figure paternelle que les Israéliens sont prêts à suivre, les yeux fermés »… « Faisant fi de leur droit de savoir, les Israéliens ont préféré mettre leur avenir entre les mains de Sharon, quitte à suspendre leur jugement personnel et leur droit à recevoir l’information et à critiquer la politique de leur pays. La majorité des Israéliens a dit à Sharon : « on vous fait confiance pour faire ce qui est bien pour nous, et on ne veut surtout pas en connaître les détails ».
Un personnage controversé
Ancien général, pilier de la droite israélienne, Ariel Sharon est un personnage controversé. Il s’est taillé la réputation d’un homme qui « ne s’arrête pas au feu rouge » et ce n’est pas seulement son physique imposant qui lui a valu le surnom de « bulldozer ». Né en Palestine en 1928 de parents originaires de Biélorussie, il a grandi dans un petit village, dans un climat austère, marqué par le conflit avec les voisins. Lors de sa carrière dans l’armée, où il s’est engagé à 17 ans et a été deux fois blessé, il a montré un goût prononcé pour les méthodes expéditives.
Tantôt loué pour ses prouesses militaires, tantôt honni pour sa brutalité envers les Palestiniens, à la tête de l’unité 101 des commandos, puis des unités parachutistes, il lance des opérations punitives, dont la plus sanglante se soldera en 1953 par la mort d’une soixantaine de civils dans le village palestinien de Kibya.
Durant la guerre d’octobre 1973, il prouve ses capacités militaires en franchissant le canal de Suez et en encerclant l’armée égyptienne par une manœuvre audacieuse.
Ses ennuis commencent en 1982. En tant que ministre de la défense, il prépare et conduit l’invasion du Liban. Une commission d’enquête officielle conclura à sa responsabilité pour n’avoir ni prévu ni empêché les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, perpétrés par une milice chrétienne, alliée d’Israël. Désavoué par le premier ministre Menahem Begin, il est contraint à la démission. Une Commission indépendante menée par le prix Nobel de la paix Sean Mc Bride considère Israël comme « directement responsable du massacre du fait de sa position d’occupant ».
Ariel Sharon revient sur le devant de la scène en tant que ministre de la construction et du logement en 1992. Une fonction qui lui va comme un gant. À ce poste, il devient le héraut de la colonisation israélienne des Territoires palestiniens, lance de vastes projets pour de nouvelles constructions avec comme slogan : « allez coloniser nos collines ». Il s’assure le soutien indéfectible de la droite nationaliste et des organisations de colons.
Pourtant, il se met à dos une partie d’entre eux en décidant, en août 2005, le retrait militaire israélien unilatérale de la bande de Gaza et le démantèlement des colonies installées dans cette région.
Le héraut de la colonisation
Pour lui, quitter Gaza lui permet de mieux occuper la Cisjordanie. C’est ce qu’explique Dov Weisglass, son conseiller, dans une interview au quotidien Haaretz. « Ariel Sharon a décidé de rendre Gaza, qu’il n’a jamais considéré comme d’« intérêt national », afin de sauver les colonies de Cisjordanie, et, plus important encore, d’empêcher tout accord négocié avec les Palestiniens.
Ce que nous avons fait vise à geler le processus de négociation. Et, en gelant le processus de négociation, vous empêchez la création d’un État palestinien et vous empêchez la discussion sur la question des réfugiés. (…) Le désengagement comporte la bonne dose de formol nécessaire pour qu’il n’y ait pas de processus de négociation avec les Palestiniens ». Ariel Sharon a toujours proclamé son opposition aux Accords d’Oslo, signés en 1993entre Israéliens et Palestiniens avec un objectif de résolution du conflit.
En septembre 2000, alors que les sondages donnent le premier ministre Ehoud Barak en perte de vitesse pour les élections législatives, Ariel Sharon, chef de l’opposition, orchestre une visite sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, lieu cristallisant les passions religieuses juives et musulmanes.
Le fossoyeur des accords d’Oslo
Portant un gilet pare-balles sous sa veste, accompagné de cinq députés du Likoud et de son fils Gilad, il ne restera que quarante-cinq minutes, mais ce sera suffisant pour déclencher la colère des Palestiniens et un nouveau cycle de violences qui débouchera sur la seconde Intifada. Six mois plus tard, il devient premier ministre et sera réélu en 2003. Entre-temps, le 29 mars 2002, il lance l’« opération Rempart » et réoccupe la plupart des villes de Cisjordanie.
Son objectif est aussi de neutraliser Yasser Arafat. Il s’y applique en lançant ses chars à Ramallah contre la Moukataa dans laquelle vit le président de l’Autorité palestinienne. Celui-ci est encerclé, le siège dure jusqu’à ce que le vieux leader, malade, soit autorisé à partir pour la France où, hospitalisé, il mourra le 11 novembre 2004.
Au lendemain de l’attaque cérébral d’Ariel Sharon en janvier 2006, l’écrivain israélien David Grossman écrivait dans le quotidien britannique, The Guardian, ces mots : « Curieusement cet homme courageux, brave et corrompu (notamment quant à au financement de ses campagnes électorales, NDLR)… qui a ignoré les limites quelles qu’elles soient, internationales ou légales…, est devenu une « sorte de figure paternelle que les Israéliens sont prêts à suivre, les yeux fermés »… « Faisant fi de leur droit de savoir, les Israéliens ont préféré mettre leur avenir entre les mains de Sharon, quitte à suspendre leur jugement personnel et leur droit à recevoir l’information et à critiquer la politique de leur pays. La majorité des Israéliens a dit à Sharon : « on vous fait confiance pour faire ce qui est bien pour nous, et on ne veut surtout pas en connaître les détails ».