mardi 6 mai 2014

Une délégation d'Amnesty International France s'est rendue en Palestine

Dominique Curis et Fathy Khderat © AI
Dominique Curis et Fathy Khderat © AI

[01/05/2014]

Une délégation d’Amnesty International France s’est rendue dans les Territoires occupés palestiniens, à la rencontre de militants de la Vallée du Jourdain et des habitants du village en résistance de Nabi Saleh. Récit.

Fathy Khderat nous accueille chez lui à Tubas où il vit avec son épouse et ses trois enfants. Né à Bardala, au nord de la vallée du Jourdain, il a été maire du village de nombreuses années. Aujourd’hui son militantisme s’est étendu à toute la vallée qui lui est si chère. Avec d’autres volontaires, il a créé la « Jordan Valley Solidarity » (JVS). Pour parler et faire parler de cette région isolée du reste de la Cisjordanie où le contrôle de l’occupant est extrême. Fathy refuse de se résigner et s’acharne à mettre en avant sa région, à pointer du doigt les démolitions de maisons (565 en 2013), la discrimination dans l’accès à l’eau, les violences et provocations des soldats.

Le mouvement organise des chantiers internationaux de reconstruction, alerte les médias, fait le lien avec les organisations internationales et interpelle les autorités locales. Fathy passe de la truelle aux projecteurs de télévision, avec la même ardeur. Il n’est pas en reste non plus pour souligner les failles de l’Autorité palestinienne, la corruption locale, ce qui lui vaut des inimitiés certaines. Une maison vient d’être détruite à quelques kilomètres de là. Fathy nous emmène à Al Bzik. Du bâtiment construit avant l’occupation 1967 il ne reste qu’un énorme tas de pierres. Ici vivait une vingtaine de personnes. « C’est une nouvelle stratégie, explique Fathy. Effacer les traces de toute présence palestinienne préalable à l’occupation israélienne. On veut effacer notre histoire ». Les soldats n’ont pas détruit la cave de la maison, un document leur manquait. Mais ils ont promis de revenir pour « terminer le travail ».

La source de Nabi Saleh

Entre formalisme et cynisme, aucune chance n’est laissée aux Bédouins de la vallée du Jourdain. Un voisin nous accueille sous la tente de plastique. Une grotte fait office de cuisine où la maîtresse de maison fabrique ses fromages. Tous vivent sous la menace permanente d’une démolition. « Qu’irais-je faire à la ville, soupire Naïma. Je m’occupe des moutons, c’est ce que je sais faire ».

« Une maison détruite ne doit pas rester l’affaire d’une famille », insiste Fathy. Et d’aller frapper à la porte du gouverneur, des professeurs d’école, militants, habitants de la vallée, pour faire de la reconstruction un geste de résistance. Avec les Bédouins, comme avec les politiques, le droit international est sa référence. Nous le retrouvons au collège d’Aqqaba où une trentaine de jeunes filles nous attend sagement pour un atelier de sensibilisation au droit international.

Extrait de La Chronique de mai 2014





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Ici, alors que les droits sont bafoués au quotidien, évoquer le droit international peut paraître incongru. Mais Fathy insiste. La discussion s’engage. Rapidement elle dépasse le cadre du droit et s’anime. « Résister à l’occupation parce que nous sommes musulmans ou parce que nous voulons être des gens de bien ? ». « Nous, les Arabes, avons aussi été les occupants, en Espagne ». Le droit international prend sens dans leur quotidien de l’occupation. Mais au-delà, c’est l’envie de réfléchir, de débattre qui se poursuit en dehors des cours, sur les réseaux sociaux notamment.
Puis, nous quittons la Vallée du Jourdain pour Nabi Saleh, accueillis par Manal Tamimi et sa famille autour d’un petit déjeuner copieux. Une route mène à la source du village, occupée par la colonie voisine depuis 2009. Les jeeps militaires attendent. Après quelques secondes les premiers tirs de gaz lacrymogènes éclatent. La foule se disperse pour éviter les brûlures. La chance est avec nous, ce jour-là le vent renvoie les fumées toxiques vers l’armée et laisse respirer les manifestants.

Des soldats font mine de poursuivre des jeunes lanceurs de pierres. Peu à peu les manifestants se retirent. Les femmes se préparent pour une fête de fiançailles au village voisin. La vie continue.

Mais à 2 heures du matin, des explosions nous réveillent. À maintes reprises les mois précédents les soldats ont perquisitionné les maisons du village de nuit pour procéder à des arrestations violentes. La maisonnée est réveillée, les enfants inquiets. On se questionne du regard en évitant de rester trop près des fenêtres. Cette nuit les soldats ne font que traverser le village en lançant des explosifs. Mais deux nuits plus tard, l’armée rentrera dans plusieurs maisons procédant à plusieurs arrestations.        

Dominique Curis

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