Au mépris du droit international, les prisonniers palestiniens en danger de mort
Françoise Germain-Robin, L’Humanité, mardi 3 juin 2014
Près de 200 Palestiniens détenus par Israël sont en grève de la faim depuis quarante jours. Ils sont incarcérés sans jugement, au mépris du droit international. Leurs vies sont en grave danger.
L’un des moments forts vécus par la délégation d’élus français qui s’est rendue en Palestine du 29 mai au 1er juin en hommage à Fernand Tuil fut leur participation au sit-in qui a lieu depuis plusieurs semaines devant la municipalité d’al-Bireh, en soutien aux prisonniers palestiniens en grève de la faim depuis quarante jours. Il y a là, sous une tente de toile blanche, des membres des familles de ces prisonniers dont la vie ne tient qu’à la décision du gouvernement d’Israël. Surtout des femmes dont les maris, les pères ou les fils sont parmi les grévistes. Les plus jeunes ont sur les genoux des petits enfants qui regardent avec étonnement ces maires, députés, sénateurs venus de France apporter leur solidarité à ces familles en détresse. Des portraits de prisonniers ornent la tente. Beaucoup sont jeunes, mais pas tous. Il y a par exemple le secrétaire général du Conseil national palestinien, un des neuf députés qui a passé en prison presque tout son temps depuis les élections de 2006. « Depuis trente-huit jours, dit son épouse, ils sont en grève totale, avec juste de l’eau et du sel pour tenir. Leur situation devient critique et près de la moitié sont déjà hospitalisés. Pourtant ils ne demandent qu’une seule chose : être jugés, car pour l’instant ils sont prisonniers administratifs, c’est-à-dire arrêtés sans qu’on leur dise pourquoi et détenus sans jugement. »
Une autre femme, désespérée, raconte que ses deux fils sont en prison et que l’un d’eux a dû être amputé et a perdu un œil. « Aidez-moi à le sauver, car j’ai déjà perdu mon troisième fils. » Le professeur Ahmed Katamesh, lui, en est sorti après huit ans. « C’est Kafka, dit-il. La détention est prolongée de six mois en six mois, sans savoir pourquoi. Vingt-sept membres de la Knesset israélienne ont demandé notre libération. En vain. »
Israël refuse de libérer Marwan Barghouti, dirigeant du Fatah
Patrick Le Hyaric, député européen et directeur de l’Humanité, souligne à quel point cette situation est injuste et contraire à la légalité internationale : « Nous allons, dit-il, interpeller nos gouvernements. Il faut que l’UE suspende son accord d’association avec Israël, comme le prévoit l’article 2 en cas de violation des droits humains. »
Au siège de la Campagne internationale pour la libération des prisonniers palestiniens, lancée l’an dernier depuis la cellule de Nelson Mandela à Robben Island, Fadwa, l’épouse de Marwan Barghouti, dirigeant du Fatah emprisonné depuis 2002 et devenu le Mandela palestinien, s’indigne : « Israël refuse de le libérer alors qu’il est un ardent partisan de la paix et que la réconciliation Hamas-Fatah lui doit beaucoup. »
Nabil Chaath, qui fut négociateur de l’OLP (dont il s’occupe des relations extérieures), souligne : « La question des prisonniers est si grave qu’elle est à l’origine du retard dans l’annonce du gouvernement d’union nationale, Israël et les États-Unis insistant pour qu’il n’y ait plus de ministre des Prisonniers. » Et de rappeler que « c’est le non-respect par Israël de son engagement, signé dès 1994, de libérer trente prisonniers politiques incarcérés avant les accords d’Oslo, qui a provoqué la rupture des négociations lancées en 2013 par John Kerry ». C’est dire l’importance du combat de ceux qui, dans les prisons d’Israël, mettent leur vie en jeu.
Knesset
Benyamin Netanyahu
Kiryat Ben-Gurion
Jerusalem 91950
Israël
A
Le
Monsieur le Premier Ministre,
L’utilisation de la détention administrative à l’encontre de Palestiniens, enfermés pour des périodes de 6 mois indéfiniment renouvelables sans charges ni procès, est une violation insupportable des droits humains les plus élémentaires.
Les détenus administratifs, soutenus par les autres prisonniers politiques palestiniens, se sont engagés depuis le 24 avril 2014 dans un mouvement de grève de la faim pour obtenir la fin de ce régime inhumain érigé en système sous votre autorité par l’administration pénitentiaire.
La seule réponse à leurs revendications a été plus de répression, d'humiliations et de mépris.
Vous êtes entièrement responsable de l’intégrité physique de chacun des prisonniers palestiniens, détenus en Israël en violation de la IVème Convention de Genève, dont la vie est aujourd’hui directement menacée.
Je vous demande solennellement de mettre fin sans délai à cette pratique et à toutes les formes de traitements inhumains et dégradants qui sont au cœur de votre système pénitentiaire de répression.
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