Lecture du poème par Arima et Jean-François
Dès les années 1960, Mahmoud Darwich chantait, dans une poésie incisive, sans emphase, toujours métaphysique, le récit mythique et utopique du douloureux passage d'une cohabitation hostile à une convivialité digne : "Mort, Vie, la route est une".
Depuis 1970, année où est parue pour la première fois cette traduction des Poèmes palestiniens - poèmes d'avant l'exil qui ont soudé l'identité palestinienne et inscrit le nom du poète dans l'histoire de son pays - la notoriété de Darwich n'a cessé de croître, ses textes d'être lus dans plus en plus de langues, ses récitals de rassembler des foules, jusqu'aux hommages unanimes le jour de sa disparition, le 9 août 2008.
Longtemps épuisé, ce volume contient aussi les rares textes en prose de Darwich traduits en français : ces Chroniques de la tristesse ordinaire sont les échos de la vie, tour à tour révoltée, désespérée, d'un Palestinien avant qu'il ne quitte, pour près de vingt-cinq ans, sa terre natale.
On y redécouvre les ébauches de dialogue avec l'occupant, une méditation sur la violence et sa place dans l'émancipation des Palestiniens, d'amoureuses évocations de la Terre sainte et de la ville "bâtie sur des saphirs "...
Darwich le Galiléen - il était né près de Saint-Jean-d'Acre en 1941 - déclara un jour :
"J'éprouve une certaine fierté à appartenir au pays qui a engendré Jésus (...). Si le monde est témoin chaque jour de plus d'un nouveau Golgotha, je note avec fierté que le premier Golgotha eut lieu en Palestine. Avoir cela en mémoire aiguise ma conscience personnelle, m'arme d'une grande force morale, ouvre devant moi un vaste horizon humain…"
Identité
Ce poème, écrit en 1964, est devenu comme un refrain magique enflammant les coeurs et déchaînant les sentiments de fierté et d'enthousiasme des Palestiniens.
Mahmoud Darwich est souvent interpellé, lors de ses récitals, par un public qui le lui réclame et voit en lui plus un prophète qu'un poète tout simplement...
Mais à chaque fois, il refuse, préférant lire ses nouveaux poèmes.
Mahmoud Darwich est souvent interpellé, lors de ses récitals, par un public qui le lui réclame et voit en lui plus un prophète qu'un poète tout simplement...
Mais à chaque fois, il refuse, préférant lire ses nouveaux poèmes.
Inscris !
Je suis Arabe
Le numéro de ma carte : cinquante mille
Nombre d'enfants : huit
Et le neuvième... arrivera après l'été !
Et te voilà furieux !
Inscris !
Je suis Arabe
Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine
Et j'ai huit bambins
Leur galette de pain
Les vêtements, leur cahier d'écolier
Je les tire des rochers...
Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte
Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais
Et te voilà furieux !
Inscris !
Je suis Arabe
Sans nom de famille - je suis mon prénom
« Patient infiniment » dans un pays où tous
Vivent sur les braises de la Colère
Mes racines...
Avant la naissance du temps elles prirent pied
Avant l'effusion de la durée
Avant le cyprès et l'olivier
...avant l'éclosion de l'herbe
Mon père... est d'une famille de laboureurs
N'a rien avec messieurs les notables
Mon grand-père était paysan - être
Sans valeur - ni ascendance.
Ma maison, une hutte de gardien
En troncs et en roseaux
Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?
Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.
Inscris !
Je suis Arabe
Mes cheveux... couleur du charbon
Mes yeux... couleur de café
Signes particuliers :
Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré
Et ma paume est dure comme une pierre
...elle écorche celui qui la serre
La nourriture que je préfère c'est
L'huile d'olive et le thym
Mon adresse :
Je suis d'un village isolé...
Où les rues n'ont plus de noms
Et tous les hommes... à la carrière comme au champ
Aiment bien le communisme
Inscris !
Je suis Arabe
Et te voilà furieux !
Inscris
Que je suis Arabe
Que tu as rafflé les vignes de mes pères
Et la terre que je cultivais
Moi et mes enfants ensemble
Tu nous as tout pris hormis
Pour la survie de mes petits-fils
Les rochers que voici
Mais votre gouvernement va les saisir aussi
...à ce que l'on dit !
DONC
Inscris !
En tête du premier feuillet
Que je n'ai pas de haine pour les hommes
Que je n'assaille personne mais que
Si j'ai faim
Je mange la chair de mon Usurpateur
Gare ! Gare ! Gare
À ma fureur !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire