Piotr Smolar, Le Monde, jeudi 1er octobre 2015
Mahmoud Abbas avait promis une « bombe » dans son discours annuel devant l’Assemblée générale de l’ONU, à New York. Mercredi 30 septembre, il s’est contenté de délivrer un message crypté, ambigu, annonçant que l’Autorité palestinienne ne se sentait plus liée par les accords passés signés avec Israël. Mais le président de l’Autorité palestinienne s’est bien gardé de détailler les conséquences pratiques de cette annonce, en particulier sur un point fondamental : la coordination sécuritaire avec les services israéliens, qui assure une tranquillité relative en Cisjordanie.
Estimant « complètement inacceptable » la poursuite du statu quo avec l’Etat hébreu, Mahmoud Abbas a rappelé que les accords d’Oslo, signés en 1993, et ses annexes prévoyaient une pleine indépendance de la Palestine en 1999 et la fin de l’occupation israélienne. Mais au lieu d’un retrait, c’est la poursuite de la colonisation qui a marqué les deux dernières décennies. « Depuis le discours du président Obama au Caire en 2009, dans lequel il avait appelé à la fin des activités de colonisation, le gouvernement israélien a augmenté ces activités d’au moins vingt pour cent », a souligné le président de l’Autorité palestinienne.
M. Abbas n’assume pas de rupture radicale
Selon Mahmoud Abbas, Israël refuse de respecter les accords d’Oslo, de suspendre la colonisation et de remettre en liberté le « quatrième groupe de prisonniers palestiniens » (cent quatre hommes emprisonnés avant Oslo), une mesure évoquée lors des négociations de 2014 sous le patronage du secrétaire d’Etat John Kerry. Aussi, l’Autorité palestinienne n’a-t-elle plus le choix.
« Nous déclarons dès lors que nous ne pouvons continuer à être engagés par ces accords et qu’Israël doit assumer toutes ses responsabilités comme puissance occupante, parce que le statu quo ne peut continuer. »Pourtant, l’alternative au statu quo n’apparaît pas très clairement dans le discours de Mahmoud Abbas, qui n’assume pas une rupture. Un renoncement radical à Oslo signifierait la fin de l’Autorité palestinienne, pouvoir intérimaire selon sa définition d’origine. Or M. Abbas emploie des formules suffisamment floues pour ne pas s’enfermer dans cette logique. Il affirme qu’il œuvrera en faveur de nouvelles reconnaissances bilatérales de la Palestine. Il souhaite que l’Etat « continue à se renforcer » et se félicite de l’idée d’un groupe de soutien international en faveur de la paix avec Israël, que porte notamment la France.
Un discours « trompeur », selon M. Nétanyahou
La question de la coordination sécuritaire, elle, demeure en suspens. Si les services israéliens disposent d’une amplitude d’action et de renseignement totale en Cisjordanie, assistés par leurs homologues palestiniens, il n’en va pas de même dans la bande de Gaza, administrée par le Hamas depuis 2007. Cette coordination apparaît dans l’annexe n° 1 de l’accord intérimaire, signé le 28 septembre 1995. Les deux parties « s’engagent à assurer la prise en charge immédiate, efficace et réelle de tout incident impliquant une menace ou un acte de terrorisme, de violence ou d’incitation, qu’il soit commis par des Palestiniens ou par des Israéliens. A cette fin, ils coopéreront dans l’échange d’informations et coordonneront les politiques et les activités. » Le sabordage de cette coordination ne servirait les intérêts d’aucune des deux parties, estiment les experts.
Le cabinet du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui s’exprimera devant l’Assemblée générale de l’ONU jeudi, a publié un communiqué dans lequel il qualifie le discours de M. Abbas de « trompeur » . Il l’appelle à « agir de façon responsable et à accepter l’offre du premier ministre israélien à tenir des négociations directes sans préconditions ».
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