lundi 26 novembre 2012

Le témoignage d'Abdelfattah Abusrur, metteur en scène et directeur du centre culturel et théâtral Al Rowwad à Aïda, camp de réfugiés à Béthléem (Palestine, cisjordanie)


Nous vous transmettons le témoignage d'Abdelfattah Abusrur, metteur en scène et directeur du centre culturel et théâtral Al Rowwad à Aïda, camp de réfugiés à Béthléem (Palestine, cisjordanie)
Certains d'entre vous ont pu le rencontrer lors de la tournée en France du spectacle Handala en juillet 2011, au cours de nos séjours en 2011 et récemment en novembre 2012.

1/message du Dr Abusrour qui rentre d’Australie et  découvre la PALESTINE.


"Je rentre juste d'Australie... La Palestine est en feu
Les enfants et les adultes sont dans les rues
Autour d'Aida et beit Jibrin le camp de réfugiés, la confrontation avec l'armée d'occupation israélienne continue
Beaucoup de blessés et beaucoup de jeunes  du camp Aida   ont été arrêtés et il se passe la même chose à d'autres endroits, à tous moment.
Jérusalem est fermé cette soirée.. Le point de contrôle de Bethléem a été fermé aux gens et aux voitures. je ne peux pas rejoindre ma famille...
Gaza subit ... nous sommes dans les prières et dans la révolte...
Alrowwad continue à fonctionner encore et encore et permettre un espace d'expression dans ces périodes difficiles".


2/ 2è mail

Mardi, le 20 novembre,
À l'occasion du jour International pour l'Enfant, le centre culturel et théâtrale d’Alrowwad et le Comité Populaire du camp d’Aida vous invite à la Marche pour Gaza mardi 20 à 16h30... Alquds-Alkhalil route de Bethléem
Pour Gaza... Pour nos Enfants

Les confrontations étaient intenses et les gaz lacrymogène ont rempli l'air… Environ 40 enfants d'Alrowwad avec des éducateurs ont marché vers Bab Izqaq à travers Bethléem, dans un espace sûr, faisant face aux bureaux de l’UNRWA placardant des affiches en solidarité avec Gaza, avec nos enfants et la population de Gaza … Nous n'avons pas voulu que nos enfants soient exposés…

En attendant tandis que nos enfants chantaient leur solidarité, les bombes de gaz lacrymogène éclataient environ à 200 mètres au Nord autour de la mosquée de Bilal Ibn Rabah (rebaptisé par l’entité sioniste le tombeau de Rachel après l'occupation israélienne de 1967) … Nous avons allumé des bougies et sommes revenus au camp … un petit geste symbolique pour dire que nous nous soucions de nos enfants et de leur vie … nous n'envoyons pas nos enfants à la mort et nous faisons tout notre possible et l’impossible pour les mettre en sécurité…, mais où courir quand chaque endroit est le terrain des missiles israéliens… pas d’abris souterrains… aucun endroit où se cacher.

Mercredi, le 21 novembre 4h30.
Il était aux environs de 3h40, presque 35 minutes avant que je ne sois réveillé par des coups énormes à la porte d'un voisin apparemment dans le Duha-Bethléem. Je suis allé regarder et les coups énormes ont commencé à ma porte ... j'ai ouvert la porte et je me suis rendu compte que j'étais en pyjama, pieds-nus ... environ 4 soldats d'occupation israéliens cagoulés étaient à ma porte et un plus bas encore plus de soldats... Ils me demandent mon nom, puis ils m’ont questionné sur mon neveu Rashid ... je leur ai répondu que je ne savais pas où il était. Ils commencent alors à chercher autour de ma poubelle pour voir si je cachais une arme. J'étais en pyjama et t-shirt... Il était évident que je n'avais rien sur moi...

- À qui est la maison est à côté de vous ?
- Mon frère, Yahya
- Où est-il ?
- Je ne sais pas, j’imagine dans sa maison.
Alors ils m'ont pris et ont descendu de quelques pas vers la rue ... un autre soldat non cagoulé tenant une liste dans sa main m'a demandé mon nom :
- Dr Abdelfattah Abusrour
Bienvenue me dit-il, puis il voulut serrer ma main...
- Pourquoi devrais-je vous serrer la main, lui dis-je ?
Il m'a regardé de façon agacée et m’a demandé à qui est la maison ?
- Mon frère, Yahya
- Où est-il ?
- Je ne sais pas, probablement dans sa maison...
- Aller et ouvrir la porte pour nous ?
- Je ne peux pas ouvrir la maison de mon frère ?
- À qui est la voiture ?
- elle est à mon frère
- Qui est Rashid ?
- Mon neveu
- Où est-il ?
- Je ne sais pas… je reviens juste de voyages et je n’ai pas encore vu mon frère
- Ok, allez et ouvrez la porte pour nous
- Je ne peux pas faire ça
- Venez avec nous ...
Alors ils m'ont poussé devant eux, pieds-nus et m'ont demandé de l'appeler... Au même moment, j'ai vu que 3 ou 4 soldats sont entrés dans ma maison...
Ils étaient environ 12 soldats
- Je ne peux pas le faire ?
- Nous allons faire exploser sa porte
- Faites ce que vous voulez
Alors il a demandé à un autre soldat d'entrer et il avait une bombe dans ses mains ... ils ont commencé à regarder à travers les fenêtres de la maison et ont jeter une grenade à l’intérieur... une explosion énorme ... cela ressemblait à une bombe du sonore
Ils sont allés de nouveau ... dans la maison, la porte de derrière était ... ouverte ils m'ont poussé de nouveau vers la porte et m'ont demandé d'entrer ... ils étaient derrière moi, dirigeant leurs armes à feu et me poussant à l’intérieur .. et m’ont demandé où est mon frère...
- Ils sont à l'étage supérieur
- Montrer-nous ...
j'ai commencé à marcher et ensuite il y avait 4 autres soldats en haut à la porte et mon frère avec eux  ... 2 autres soldats montaient les escaliers...
Ils ont demandé à mon frère de sortir tous ses garçons...
Yusuf, mon neveu de 19 ans est sorti, puis Mohammad ... (25 ans) alors ils leur ont demandé leur identité et sont allés à l'intérieur de la maison... pour prendre mon frère...
Et ensuite, leur officier leur a demandé de me sortir...
2 soldats m'ont accompagné en bas à l'entrée...
J'ai eu froid et j'ai demandé aux soldats si je pouvais me couvrir ... ils m'ont regardé et ont secoué leurs têtes pour dire non ... j'ai dit : bravo ... bravo...
5 minutes plus tard, leur chef est descendu et a demandé pourquoi vous êtes encore là ?
J'ai l’ai regardé ainsi que les 2 soldats et ensuite il a dit : sors d'ici
J'ai suis retourné chez moi et 4 soldats m'ont suivi jusqu'à la porte de ma maison...
Ils sont toujours là au moment où je vous écris...
Je suppose que je suis chanceux d’avoir été seul cette nuit ... ma femme et mes 5 enfants sont à Alquds (Jérusalem)...

Quand arrêterons-nous de nous dire que nous vivons dans un monde dépourvu d’humanité ?
Nous nous sentons rejetés (comme des étrangers) ... et ceux-là même qui commettent des crimes sont présenté comme les innocents ... et ceux qui se défendent devrait arrêter de le faire parce que la légitime défense serait un acte de terrorisme ? ... être sous l'occupation est-ce ... normal ? Être assiégé est-ce ... normal ? Être violé et rayé de l'humanité et privé de sa dignité Est-ce ... normal ? être un esclave du pouvoir est-ce... normal ? Avoir un coeur rempli de haine est-ce ... normal ?  N’avoir plus de coeur du tout est-ce normal ? Et détruire des vies humaines  ... deviennent des dommages collatéraux ? ... parce qu'après tout la cible sont les terroristes et si des familles entières sont tuées ... c’est qu’ils n’auraient pas dû être là ... ceci est normal?...
J’ai toutes ces images de la TV, des corps en morceaux, des maisons réduites en gravas ... est-ce ... normal ? Ne pas avoir de vie est-ce ... normal ? n'avoir aucun espoir est-ce ... normal ? Attendant un miracle des Pays arabes, de l'Europe ou ses États-Unis est-ce normal ?...
J'en ai marre de ces "normalités" ... je suis ... anormal je refuse d'être privé de mon humanité et de ma dignité ... de mes droits et valeurs... de mes espoirs et de mes rêves ... de mon amour et de mon coeur empli d'amour...
Je refuse d'être réduit à une statistique ... à un nombre de mort ... à un nombre de victime... à un nombre de prisonnier ... à un nombre de blessés...
Je refuse d'être un produit de propagande... un produit médiatique ... qui sollicite près une réaction temporaire..... Et ceux qui refusent d'être "normale" continuez à faire ce que vous faites du mieux ! ... n'acceptez pas cette réalité ou ces conséquences sur le terrain créées par ceux qui ont le « pouvoir »... l'hypocrisie des politiciens et les larmes de crocodiles ... nous sommes des êtres humains ... nous réclamons et défendons notre appartenance à l’humanité ... et nous refusons le lavage de cerveau... et nous ne serons pas silencieux …


Nouvelles du camp d’Aida
Mercredi, le 21 novembre :
Entre 2h et 4h du matin, trois jeunes du camp de réfugiés d’Aida ont été arrêtés, Ahmad Oweiss, Fadi Alimori et Khalil Mustafa Abu Aker. L'armée israélienne est constamment présente dans le camp.

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