lundi 19 novembre 2012

Comment Israël a piégé le Hamas Le Point.fr



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Comment Israël a piégé le Hamas 



Le chef militaire Ahmed Jabari, dont l'assassinat a enflammé Gaza, était pourtant prêt à signer un cessez-le-feu, affirme un médiateur israélien.



Click here to find out more!"Est-ce que les enfants tirent des roquettes ?" crie lundi la foule à Gaza en portant les cadavres de quatre enfants qui ont péri lors du raid israélien de dimanche sur un immeuble d'un quartier nord de la ville. Ce lundi, 22 Palestiniens, dont un commandant militaire du Jihad islamique, ont été tués dans l'enclave palestinienne, portant à 100 le nombre de Palestiniens tués, au sixième jour de l'offensive israélienne "Pilier de défense". Visant à mettre fin aux tirs de roquettes palestiniens contre Israël (846 depuis mercredi, dont 302 interceptées), qui ont tué trois Israéliens jeudi, cette offensive aérienne de Tsahal a commencé mercredi avec l'assassinat d'Ahmed Jabari, le chef militaire du Hamas.
 
"Après les tirs de roquettes de ces derniers jours contre Israël, le chef d'état-major a décidé d'autoriser une opération contre les organisations terroristes de Gaza, le Hamas, le Jihad islamique et d'autres organisations", avait déclaré dans la foulée le porte-parole de Tsahal. Côté israélien, on assure que c'est l'attaque, samedi 10 novembre, d'une Jeep de l'armée israélienne effectuant une patrouille de routine le long de la frontière nord de la bande de Gaza qui a mis le feu aux poudres ; elle avait fait quatre blessés israéliens. 

Deux semaines de trêve

Pourtant, il semble qu'une certaine accalmie était en place entre les deux camps depuis le 24 octobre dernier, date à laquelle 20 roquettes palestiniennes avaient été tirées sur le sud d'Israël, après la mort de trois combattants palestiniens tués lors de raids aériens. La fragile trêve n'aura duré que deux semaines. Le jeudi 8 novembre, une incursion terrestre israélienne à Khan Younèsprovoque la mort d'un enfant palestinien de 13 ans. Deux jours plus tard, les factions combattantes palestiniennes ripostent en lançantune roquette contre la Jeep israélienne. Le samedi 10 novembre, un obus israélien atterrit sur un terrain de football du quartier al-Shoja'iya, près de Gaza City, causant la mort de deux autres mineurs. 
"Cela fait des années que c'est la même histoire", raconte au New York Times Gershon Baskin, coprésident du Israel Palestine Center for Research and Information, qui a servi de médiateur pour la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit. "Les renseignements israéliens découvrent des informations sur une future attaque terroriste en provenance de Gaza. L'armée israélienne prend des actions de prévention en effectuant un raid contre les cellules terroristes suspectées, qui sont souvent composées de combattants du Jihad islamique, de comités de résistance populaire ou de groupes salafistes, non contrôlés par le Hamas, mais opérant dans son territoire", poursuit Gershon Baskin.

Pré-cessez-le-feu conclu en Égypte

"Ces cellules lancent des roquettes contre les villes israéliennes situées près de Gaza et manquent souvent leurs cibles ; les forces israéliennes ripostent rapidement. Le résultat typique oscille entre 10 et 25 victimes à Gaza, zéro en Israël, et un grand nombre de propriétés endommagées des deux côtés." Convaincu qu'un cessez-le-feu durable est possible, le médiateur s'est rendu la semaine dernière en Égypte pour s'entretenir avec de hauts responsables du Hamas, sous la supervision des renseignements égyptiens. "Des négociations indirectes avec Ahmed Jabari ont été conduites par l'intermédiaire de mon homologue du Hamas, Ghazi Hama, chef adjoint de la diplomatie du Hamas, qui avait reçu l'autorisation de M. Jabari pour négocier directement avec moi", explique auNew York Times Gershon Baskin. 
Le lundi 12 novembre, après plusieurs jours de discussions, Ghazi Hama et Gershon Baskin acceptent l'idée d'un pré-acccord sur un cessez-le-feu étendu et durable entre les deux camps. Il inclut les "mécanismes de vérification des intentions et d'assurance de la conformité" du futur accord. "D'autres leaders-clés du Hamas et des membres du Conseil de la choura, l'organe de décision à Gaza, supportent l'initiative, car, comme Jabari, ils ont compris la futilité des attaques successives de roquettes contre Israël qui ne causent pas de véritables dommages tout en entraînant des dizaines de victimes à Gaza", assure Gershon Baskin. 

Mise en scène

D'après le médiateur, de hauts responsables israéliens étaient au courant de l'initiative. "Dans l'ébauche d'accord que Jabari aurait reçue plusieurs heures avant sa mort, il était proposé que les informations des renseignements israéliens, transmises par l'intermédiaire de l'Égypte, soient délivrées à Ahmed Jabari afin qu'il agisse pour éviter toute attaque contre Israël", précise Gershon Baskin. "Monsieur Jabari et ses forces auraient donc eu l'opportunité de prouver qu'ils étaient sérieux lorsqu'ils ont affirmé aux renseignements égyptiens qu'ils n'étaient pas intéressés par l'escalade."
Ne manque plus que la signature du principal intéressé. Lorsque Ahmed Jabari reçoit le document, mercredi 14 novembre au matin, rien ne laisse présager l'attaque à venir. Bien au contraire, à peine quelques heures avant son assassinat, Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense, Ehud Barak, effectuent une visite largement médiatisée dans le nord du pays. D'après Reuters, les télévisions et les radios israéliennes rendent amplement compte de la tournée des deux hommes sur le plateau du Golan, justifiée par un obus de mortier tiré en provenance de la Syrie. Étonnamment, Ahmed Jabari, pourtant connu pour sa prudence, s'aventure alors en plein jour dans Gaza à bord de sa voiture.

"Grande erreur" d'Israël (médiateur)

"En instaurant ainsi un climat de relâchement, Netanyahou et Barak ont fait sortir Jabari et ses amis de leur trou et rendu possible une attaque-surprise", affirme au quotidien israélien Yedioth Ahronoth Alex Fishman, spécialiste des questions militaires. Une mise en scène qui n'est pas sans rappeler celle qui avait précédé l'opération "Plomb durci". En décembre 2008, les officiers israéliens en poste autour de Gaza avaient eu droit à une permission pour rejoindre leurs familles, détournant ainsi l'attention des Palestiniens, avant d'être envoyés au combat à l'aube le lendemain pour mieux les surprendre,rappelle Reuters.
Les images de la mort d'Ahmed Jabari - sa voiture bombardée de plein fouet - seront diffusées sur Twitter par Tsahal peu après l'attaque, accompagnées d'un message laconique : "Ahmed Jabari : Eliminated." Dès lors, difficile pour le Hamas d'envisager une quelconque trêve. "Non, Ahmed Jabari n'était pas un homme de paix ; il ne croyait pas en la paix avec Israël et refusait d'avoir des contacts avec des dirigeants israéliens, et même des non-officiels comme moi", affirme Gershon Baskin. "Ahmed Jabari n'était pas prêt à abandonner la stratégie de résistance, c'est-à-dire combattre Israël, mais il a senti le besoin d'une nouvelle stratégie et était prêt à accepter un cessez-le-feu de longue durée."
Et le négociateur de lancer : "Je crois qu'Israël a commis une grande et irresponsable erreur stratégique en décidant de tuer Jabari. [...] Il est mort et, avec lui, la possibilité d'un cessez-le-feu durable." 
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